"Il a copié mon idée !"

Un grand classique, notamment chez les enfants !

La première fois que j'ai entendu cette phrase de la bouche d'une élève de 8 ans, j'ai intérieurement bondi. Puis, je me suis dit "mais quelle belle occasion pour leur montrer la force du collectif et toucher du doigt une mécanique de l'imagination !".

Résumons la situation.

La scène se passe durant un atelier avec mes élèves de 7 à 9 ans. Les enfants, répartis en sous-groupes, doivent préparer une saynète sur la base d'éléments narratifs distribués en amont. Puis vient le moment des présentations de la saynète de chaque groupe devant les autres élèves. Un premier groupe passe, un second, puis un troisième. A l'issue du troisième groupe, une élève du second groupe dit avec une certaine véhémence : "ils ont copié mon idée !". Je ne me souviens plus exactement de l'objet précis du délit, mais cela devait être l'idée d'utiliser une chaise ou un sac à dos comme accessoire complémentaire. Je retranscris ci-dessous les échanges. Ce n'est pas la version exacte, mais le fond y est et je profite de cet article pour formaliser plus clairement la morale de l'histoire.

L'ÉLÈVE : Ils ont copié mon idée !

LE MAUVAIS PROF (moi) : Quelle idée ?

L'ÉLÈVE  : J'avais eu l'idée d'utiliser une chaise pour mimer la voiture et ils ont fait la même chose !

LE MAUVAIS PROF (moi) : Ah très bien. C'était plutôt une bonne idée non ? Qu'en pensez-vous les autres ?

LES AUTRES : Oui

LE MAUVAIS PROF (moi) : Est-ce que ça signifie que même si c'est une bonne idée, personne ici n'a le droit de la réutiliser à part toi ?

L'ÉLÈVE  : Si bien sûr ... mais ils devraient trouver leurs propres idées.

LE MAUVAIS PROF (moi) : Si j'étais toi, au contraire je verrai cela comme un compliment. Ils ont tellement aimé ton idée qu'ils l'ont réutilisée. Et d'ailleurs, est-ce qu'ils ont fait exactement la même chose que toi ?

CERTAINS AUTRES : Non, on a changé des choses !

LE MAUVAIS PROF (moi) : Tu vois, ils n'ont pas fait exactement la même chose. Ils se sont inspiré de ton idée - c'est qu'elle était bonne - et ils l'ont transformée en quelque chose d'un peu différent. Vous voyez les enfants, c'est comme cela aussi qu'on raconte des histoires : on s'inspire de ce que l'on entend et de ce que l'on voit de-ci de-là, de ce que l'on a aimé. Personne ne part jamais totalement de zéro. Au théâtre, vous n'êtes pas tout seuls. Vous jouez avec vos camarades et vous racontez des histoires tous ensemble. Vous êtes un groupe et donc vous vous nourrissez les uns les autres et c'est très bien.

J'ai depuis ré-entendu cette remarque lors d'autres ateliers enfants (en école notamment) et j'en profite toujours pour appuyer ce principe, qui me parait essentiel dans la pratique du théâtre (et dans la vie en société d'une façon générale). Même si au fond, j'ai l'intuition qu'un élève qui fait ce genre de remarque le fait plutôt pour attirer sur lui l'attention du prof dont il attend une reconnaissance (et cela il faut l'entendre et y répondre), plutôt que pour faire du recel d'idées.